DE L'OREE DE BERCE A GUECELARD, au fil de l'eau





Qui n'a pas, dans ses souvenirs d'enfance le murmure mélancolique d'un ruisseau timidement étouffé par les hautes herbes, les méandres d'une rivière souligné par des peupliers fièrement alignés, une pâture où de paisibles bovins savourent l'herbe tendre à l'infini.....la symphonie caractéristique d'une chute d'eau au sortir d'un moulin.
La pêche aux écrevisses, les carafes à vairons, jouent au coeur de notre mémoire un refrain nostalgique, d'un passé à jamais révolu.

De l'onde magique que reste-t-il ?
La nostalgie se serait-elle prise les pieds dans le béton ?


Une petite rivière .....le RHONNE,

Rhonne - Rône - Ronne - Rosne, signifie : eau qui coule, ou encore : rivière qui marche,  l'analyse de ce mot est pleine de surprise, un clan dans le Valais Suisse n'a-t-il pas porté ce mêeme nom....?

Le Rhonne, bien que n'ayant jamais porté la moindre embarcation, est modeste , il n'a aucune prétention. Attachant, il est charmant tout simplement. Avec son air de ne pas y toucher, il étire avec une certaine élégance, son cours sinueux sur 26,515 km, à travers deux régions bien distinctes, qui au début du XXème siècle étaient encore totalement différentes, voir diamétralement opposées. Il n'y a pas si longtemps, dans les années 1950, il y avait le verdoyant et fertile " Bélinois " - Pays de Belin, côtoyant l'austère et stérile " Pays de Bourray ", vaste succession de sapinières et de landes.

Ce voluptueux farniente s'amorce dans le "Pays d'Outillé ".
Son bassin versant, selon la D.D.A.F. - 1991, est de 16296 hectares, dans lesquels s'inscrivent évidemment les 1218 hectares du territoire communal de Guécélard. Son volume en eaux ordinaires est de 0,080 pour la 1ére section : Guécélard- Moncé-en-Belin-Mulsanne soit 12,738 km ; et de 0,030 pour la 2ème section Mulsanne-Téléoché-Saint Mars-d'Outillé soit 13,777 km ; en grandes eaux 10 000 m3/jour pour la 1ère section et  4 500 m3/jour pour la seconde.
Cette importante différence est justifiée. Mais, ce n'est absolument pas l'objet de cette page, il est préférable  de se reporter à l'ouvrage " De l'Orée de Bercé à Guécélard , au fil de l'eau - 152 pages.
Ce n'est pas son homonyme, bien loin s'en faut, mais outre les nombreuses légendes, qui festonnent son passé, on pourrait même  écrire son histoire. L'Histoire, et même la Préhistoire, vous effleurent à chacune de ses boucles. Témoin  avéré autant que discret, de faits historiquement authentifiés : il en a connu des civilisations, il en a vu passer des armées, se dérouler des événements au cours des siècles, et même des millénaires écoulés, il a fait son entrée officielle dans l'Histoire de France dans le premier tiers du XIème siècle, lorsqu'avec la rive gauche de la Sarthe, le Rhonne constitue la délimitation géographique et septentrionale de la baronnie - châtellenie de Château-du-Loir "....Chasteau-dou-Leir, inféodé par le comte du Maine - Hugue III......".
89ème affluent gauche de la rivière Sarthe, à l'instar de celle-ci le Rhonne a contribué pour la majeure partie en creusant son lit, à façonner sa vallée, en modelant à sa guise les terrains traversés.
Le Rhonne n'est-il pas un remarquable architecte paysagiste ?
Le Rhonne, et l'érosion qui lui est étroitement associée, ont été les vecteurs principaux du grand courant qui à l'époque Quaternaire dessina son bassin. Celui-ci est une synthèse harmonieuse de la configuration de la nature et des sites progressivement marqués par l'action humaine, tout au long de son passé.
La mise en place du réseau hydrographique du bassin du Rhonne actuel se poursuit pendant tout le Pléistocène et se confirme par son action. L'organisation de ce réseau hydrographique découle directement de la structuration du Cénozoïque, et que les différents changements climatiques ont fortement influencé sa réorganisation. La modification du tracé de son cours vers le Sud-ouest a été déterminé par le basculement vers le Sud-sud-est de portions du socle en sous-sol sarthois, séparées par des failles au cours de phases tectoniques du Bartonien et au Miocène.
L'eau a contribué à la finition, finition qui se poursuit inlassablement. En effet, en rebondissant avec force l'eau sape toujours plus avant la rive convexe, ayant une aptitude à saper, à raboter et à la rendre plus abrupte, l'autre rive s'en trouve adoucie par les alluvions qui s'accumulent accroissant la fertilité des terrains avoisinants. Cette action mouvante fit prendre au Rhonne la corde de l'arc, tronquant parfois le cours de l'un de ses affluents.

La lande de Rône.....au  PAYS d'OUTILLE

Déconcertant dès sa naissance, le Rhonne fait preuve d'individualisme délibéré. En effet plutôt que de rejoindre directement la grande rivière Sarthe pour y célébrer son union et sa mort, il s'en détourne résolument prenant la direction opposée, le Nord.
Le Rhonne que l'on trouve orthographié dans les Cartulaires de Château-du-Loir et de Saint-Vincent : Rône, est un nom plein de mystère, d'eau claire et d'harmonie, qui a traversé l'espace temps, évoluant suivant la loi de la phonétique. A sa source alt.+144, c'est tout d'abord un modeste suintement d'une eau transparente, sourdant à l'improviste d'un sol ingrat, dans un univers étrange où le silence est d'eau, dans un calme bucolique dénommée " fontaine de Rhonne " 


Ernest Renan a écrit :
" au fond de nous est comme une fontaine de fées....
" une fontaine claire, verte et profonde où se réfléchit l'infini...


Le terme " fontaine " symbolise le mythique " culte de l'eau ", cher non seulement aux Indo-européens, édificateurs de mégalithes, qui ont précédé sur notre sol les Celtes, mais également à ceux-ci, donc à nos Ancêtres les Gaulois. Les racines du nom lui-même ne sont-elles pas un authentique témoignage, le nom de Rhonne a été communiqué à l'environnement : " la lande de Rhonne " ; à la source : " la fontaine de Rhonne " au cours d'eau : " le Rhonne" ; à un site " la Maison de Rhonne " - à l'ouest alt. +168 et =163;
Le minuscule filet d'eau s'écoule, glisse en douceur sous les herbes enchevêtrées, tout est à sa dimension : une grosse pierrre, et c'est une mini-cascade, un bourrelet, et c'est une petite retenue, il est difficile d'imaginer que cet insignifiant courant d'eau puisse participer activement au formidable dispositif du fleuve : Loire.
Il reçoit alors sur sa droite son premier affluent reconnu : le ruisseau des Fontenelles - 1579 mètres, puis celui de Moncelaie, également connu sous la dénomination de Grangeraie - 1092 mètres, il double son importance, s'engage dans verdoyant petit vallon, où plane la légende d'un certain moulin " d'Hommelaire ", ce présente son premier moulin : Graille Poix ou Grêle Poix.
L'implantation de nombreux moulins sur son cours collecteur, et sur celui de quelques-uns de ses affluents est justifiée par la présence de terres céréalières, par la régularité de son débit.
Les ombres de la soldatesque de son  passé historique du XIIIème siècle à la fin du XVIIIème, validée par des actes et des textes aux A.D.72 et 37, aux A.N. de Paris, vous effleurent à chacune de ses boucles, planent sur les noms de certains lieux-dits dont : le prieuré de Grantmont - le bourg de Saint d'Outillé - Segrai - la Fontaine - bourg de Téloché - le Ranché - la Fosse - bourg de Mulsanne - la Madeleine - Vaux - Belin - Pont Thibault - Buttes du Vieux Mans - La Baussonnière. Noms pleins de mytères, dans le cliquetis des armes fantomatiques de la prestigieuse féodalité.
Le Rhonne se prépare à quitter ce Pays de Belin abandonnant tout esprit de retour au terroir de sa naissance , de ses moulins, des  légendes, des croyances séculaires.
A la Madeleine - Cne de Mulsanne, à proximité de sa confluence avec le ruisseau de Pontvillain - 9053 mètres, était placé le Moulin de La Madeleine en 1863, la roue à augets qui actionnait deux paires de meules à blé.
Le Rhonne est à l'apogée de son incursion vers le Nord, il est à 13,777 mètres de sa source, sa largeur est de 1,7 mètres, son alt.+55, son cours guidé par le rebord méridional de la plaine des Hunaudières, constituant le site géologique de la " cuesta du  Bélinois ", le dirige vers l'ouest.
Ce changement de direction résulte d'un très long processus de transformations, et semble avoir été provoqué par un soulèvement de la région de La Chapelle d'Aligné. Quant à la diminution de la pente, elle semble démontrer une déformation tectonique positive.
Perché fièrement sur son socle, formant promontoire dans l'angle Nord-ouest du Bélinois, la beauté du site " grand angle " du bourg de Moncé-en-Belin culminant à +51 par 0°12' E - 47°54'N est saisissante. Un charme indéniable se dégage de ce site géologique ô combien historique.
En ce lieu, qui peut soupçonner aujourd'hui le ferment de gloire qui s'y est développé ?
Paresseuses, comme ensomeillées les eaux du Rhonne marquent un intermède à Ponthibault. 
Point de passage obligé vers la Normandie, vers Paris, très fréquenté par les marchands et les troupeaux de bovins et d'ovins venant d'Anjou et du Poitou, en témoignent les six auberges dont quatre équipés d'enclos à bestiaux, remarquablement situé sur cet authentique et historique " chemin aux boeufs".


La gentilhommière de La Baussonnière, ce nom éveille la curiosité, suscite des 
des méditations, évoque un passé, le souvenir d'un fief, un fief très ancien XIIème siècle.
Le petit cours d'eau  se prélasse dans les douves de ce manoir, ragaillardit il quitte le Bélinois, oasis verdoyant d'opulence, isolé dans une mer de sables cénomaniens. Cette excroissance d'Oxfordien, dispositif morphologique avec son inversion de  relief dans lequel l'érosion a mis a nu les couches profondes du Secondaire, ce qui lui a valu la dénomination de "boutonnière du Bélinois".
Ce phénomène d'inversion de relief est très nettement circonscrit par " la faille de Brette " et par " la faille d'Arnage ", qui en se rejoignant un peu au Nord de Pontvallain, forme un grand V.
Son cours va alors s'aligner sur celui de la Sarthe, influencé par le " rejet de la faille d'Arnage ", profitant du "couloir périglaciaire à fond plat ", il va contourner les "buttes tabulaires du Vieux-Mans ", authentiques vestiges de ce plateau  détruit par les eaux torrentielles de la pré-Sarthe des interglaciaires.
Il s'introduit à travers " l'arc  des buttes témoins ", dans le terroir guécélardais, terrasse basse légèrement inclinée vers la grand rivière, formée par des dépôts climatiques périglaciaires. Par endroits, l'altération des sables glauconieux a donné en profondeur un sable rougeâtre.
L'étude du tracé du cours du Rhonne va nous dévoiler, puis confirmer la complexité des différents mécanismes ayant participé aux différentes modifications, et démontre que l'examen des changements hydrographiques met en évidence les déformations tectoniques de faible intensité qui ont touché la région incriminée, pendant le Pléistocène, c'est à-dire pour être un peu plus précis : de 1million 800 000 ans à 10 000 ans B.P.
En effet,  la tectonique matérialisée par les failles apparaît comme la cause initiale des modifications de cours, non seulement pour le Rhonne, mais également pour la Sarthe et son principal affluent : l'Huisnne.
Ceci, évidemment subordonné à la dynamique du cours d'eau concerné.


Univers de pinèdes et de sables........le Pays du Bourray,


Après le Moulin de La Baussonnière, alt.+46, qui actionnait en 1863, deux meules à froment, avec une chute de 3,90, c'est la magie du Rhonne. Nulle part ailleurs notre petite rivière n'est plus émouvante. Ses eaux en apparence immobiles, flirtent avec l'environnement dans une " coulée verte ", aux berges basses et plates. La zone contigüe aux rives est souvent sur ce parcours, une plaine naturelle d'inondation, il s'y dépose lors des crues, sur les terres immergées avoisinantes de fines particules fertilisantes. Le sol alentour devient en quelque sorte un laboratoire où les substances minérales sont stabilisée.
Le processus de déposition est plus intense sur les bords du cours d'eau, créant une " crête " excessivement fertile, qui dessine dans le paysage un  feston irrégulier de verdure, formant en perspective une ogive de feuillages qui rutilent aux feux du soleil couchant. La vitalité des plantes qui s'y développent est formidable, la manière dont elles poussent et s'adaptent est extraordinaire d'ingéniosité. Dans cette végétation particulièrement variée, il y circule un air léger, les près voisins et les arbres proches sont porteurs d'odeurs de mousse et de champignons.
Notre petite rivière se fraie un passage laborieux dans les sables cénomaniens et dans les sédiments fluviaux appelés " découverte par les exploitants de carrières ", de ce replat guécélardais bien individualisé morphologiquement sous l'action des eaux torrentielles de la Sarthe périglaciaire.
Il conflue successivement avec le ruisseau des Bigottières, régulant les " boilles dudit lieu, le ruisseau de Malidor - 1508 mètres , le ruisseau de Château-Gaillard - 7802 mètres et ses six affluents numérotés par la D.D.A.F., en absence de noms, draînent quelques 280 hectares de la "Basse Judée ", ce qui donne au Rhonne, en grandes eaux 0,800 m3/jour.
A Buffard *, tout change, il reçoit le ruisseau des Fillières - long de 10108 mètres, principal collecteur de la " plaine du bas-Polinois ",   ce cours d'eau en effet, draine et assèche les terroirs trop humides de la région d'Ecommoy, du Bélinois, régule un étang, ce qui représente en grandes eaux à lui seul 50% des eaux du Rhonne au Vieux-Bourg de Guécélard.
En ce lieu, notre petite rivière reçoit sur sa droite le " ruisseau de l'Anerai " long 11931 mètres pour un bassin versant de 2403 hectares, sont débit à sa confluence est de un peu plus de 2000m3/jour, cité sur des cartes et des plans de 1706, et dans des actes et des textes du XIXème siècle " ravine d'Aneret" . Cet affluent a une particularité : de sa source au Gué d'Annaré, il délimite la commune d'Arnage de celle de Moncé-en-Belin, et porte jusqu'à son entrée sur le territoire communal de Guécéalrd le nom de : ruisseau des Beulières.
Ensuite, il est qualifié de : ravine. Si l'on consulte un dictionnaire du tout début du XVIIIème siècle on découvre, que : ravine est synonyme de fossé de drainage réalisé par l'homme.
A La Ronceraie, abandonné par les hommes, oublié par l'histoire locale, un vieux pont solitaire enjambe notre petit cours d'eau. C'est l'un des rares ponts " pont messier ", qui subsistent. Sans être très très ancien, il n'en demeure pas moins du XVIIème siècle, peut-être même de la seconde moitié du XVIème siècle, ce qui le placerait comme contemporain de la seconde église de Guécélard.
La route de Guécélard-Fillé,, la D.156, plus connu sous l'appellation de " route des Galopières ", traverse un ensemble géomorphologique de très faible altitude oscillant au alentours de +39, à l'aplomb de la zone de superposition des profils mouillés de la Sarthe, du Rhonne et du ruisseau d'Aneret. La dite route forme une bordure axiale sans talus, au delà de laquelle la zone riveraine de la Sarthe est extrêmement basse à peine supérieure au niveau moyen de la grande rivière.
Au Vieux-Bourg de Guécélard, il reçoit son tout dernier affluent : le ruisseau de Guécélard sa longueur est de 875 mètres son débit moyen est de 0,20 m3/jour.


C'est au pied de Mondan......dont le nom à lui seul définit le site, précise incontestablement l'endroit où ses eaux se mêlent à celles de la Sarthe, embouchure d'une petite rivière comme étiqueté par le nom de l'endroit.
Mondan site géographique, toponymique et historisque, si les vestiges ont irrémédiablement disparu, l'étymologie subsiste.


* BUFFARD  - ( le ) gué, célèbre dans les Annales du bas Moyen Âge, c'est en ce lieu, que les marchands, négociants transportant des marchandises et autres colporteurs traversaient le Rhonne en " cachette ", en fraude pour ne pas avoir à payer la taxe de franchissement du cours d'eau, appelée "  billette ", imposée au Gué Sellard par le seigneur de Château-du-Loir, par l'intermédiaire de son vassal le seigneur de Mondan.


par André Gobenceaux
Synthèse extraite de l'ouvrage : De l'Orée de Bercé à Guécélard, au fil de l'eau
et de deux monographies : Guécélard....épicentre du Carrefour du Bourray
                                      Les Buttes du Vieux-Mans
mise à jour le 1er mars 2010